Les premières Assises du Funéraire, organisées le 3 octobre 2016 par la CSNAF, Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire, sur le thème :

Mieux accompagner le deuil : un enjeu majeur de notre société

ont fait l’unanimité par la qualité des interventions et des échanges.

 

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A propos du funéraire, les débats les plus courants portés devant le grand public parlent de données économiques et professionnelles, d’impact environnemental, d’organisation communale, d’archéologie et de rites …
C’est trop souvent oublier ce que Damien Le Guay a nommé pendant les Assises :  «le continent invisible des endeuillés en France». La réalité est massive tout en étant ignorée : 40% des personnes que nous croisons dans la rue sont affectées par un deuil et en souffrent au moment même où nous les apercevons. C’est le premier enseignement choc de ces premières Assises.

Le second enseignement tient au premier : les professionnels funéraires vivent un quotidien très différent de l’image qu’en retiennent les médias, le corps social et ses représentations car ils sont en première ligne d’intervention sur le vécu des endeuillés, fait de souffrance, de complexité mais aussi de dignité humaine.

Cette dimension oriente totalement les efforts produits par la filière funéraire, de l’amont des fournisseurs à l’aval des opérateurs directement au contact des familles. Il n’est donc pas étonnant, voire il est légitime, comme l’a précisé Marc Manzini (CSNAF) dans son introduction des travaux, que les professionnels funéraires soient à l’origine d’une nouvelle impulsion pour la prise en compte améliorée des difficultés rencontrées à la suite d’un décès.

L’environnement et les conséquences de la mort dans la France de 2016 participent d’une évolution générale de la société dont il faut gommer les effets les plus négatifs quand la mort frappe. Cela nécessitera une collaboration encore inédite entre tous les acteurs accompagnant les endeuillés, dans un esprit parfaitement transdisciplinaire.

C’est le troisième enseignement choc de ces premières Assises qui ont réunit et croisé des talents différents, complémentaires et partageant une motivation forte pour accompagner chaque endeuillé sur son chemin de souffrance. 

Voici quelques traits saillants de cet après-midi de réflexion soutenue :

– Aubin de Magnienville, président de la CSNAF, a ouvert les Assises en rappelant les missions d’intérêt général autour du funéraire dont est investie la Chambre Syndicale et Marc Manzini, président honoraire de la Chambre, a retracé la genèse d’un projet de longue date qui a aujourd’hui donné le jour à ces Assises du funéraire. Voir la vidéo de l’intervention d’Aubin de Magnienville et Marc Manzini

– Pascale Hébel, directrice du pôle consommation et entreprise du Crédoc, et Thierry Mathé, sociologue du Crédoc, ont su pointer les enseignements majeurs contenus dans l’étude des endeuillés réalisée par leurs soins pour le compte de la CSNAF

Voir les résultats de l’étude

– Tanguy Châtel, sociologue, a soulevé la question essentielle qui consiste à se demander si le deuil est une affaire privée ou un enjeu de société. Selon lui, la société a désappris l’accompagnement dans sa globalité et expose les endeuillés à des séquences d’interventions professionnelles isolées entre elles, sans réelle logique partagée au service de l’endeuillé.
Peut-être est-ce pour cette raison que l’on ne comprend pas toujours à quel point l’implication des familles est nécessaire dans les funérailles pour la suite du travail psychologique du deuil. Peut être aussi que la portée du deuil n’est pas vraiment comprise dans l’ampleur et la diversité de ses conséquences. D’où un déficit de réponses qu’il convient de combler sachant que les intervenants les plus reconnus par les endeuillés s’avèrent issus de la famille, de l’entourage au travail et des professionnels funéraires dont les français attendent beaucoup et probablement encore plus…Voir la vidéo de l’intervention de Tanguy Châtel

– Christophe Fauré, psychiatre, a cerné trois priorités d’action immédiate. Il faut agir sur les images post-traumatiques de la mort touchant les endeuillés à la suite d’un décès brutal, dramatique ou rapide ainsi que les professionnels confrontés à forte dose à ces mêmes situations. Il faut ensuite s’approprier «le palliatif» pour le démocratiser, faire en sorte qu’un mouvement citoyen se crée autour de la mort apaisée et du deuil mieux assuré. Enfin il a souligné la portée physique du deuil qui peut favoriser les infections, maladies et crises cardiaques. Sans oublier la gifle qu’il porte aux idées reçues : «non, un deuil qui dure 5 ans, voire toute une vie, n’est pas une pathologie ni une tare. Le deuil est un processus long qui n’est d’ailleurs pas forcément négatif». Voir la vidéo de l’intervention de Christophe Fauré

– Claude Le Pen, économiste de la santé, a jeté le pavé dans la mare : «Y-a-t-il aujourd’hui une défaillance ? Où est le problème ? La problématique sociétale et collective est importante mais l’Etat doit-il s’en mêler ? On n’est pas là pour économiser les coûts mais pour les rendre effectifs en résultats objectifs. Or la politique de dépenses collectives ne peut pas impacter les réponses en termes de rites au moment des funérailles…». Voir la vidéo de l’intervention de Claude Le Pen

– Nathalie Vallet-Renart, présidente du cabinet Aldhafera, DRH d’entreprise, a soulevé la nécessité d’une solidarité d’ensemble dans l’entreprise sans que tout retombe sur la responsabilité du service des relations humaines. Elle a aussi insisté sur le principe du respect des besoins formulés par l’endeuillé au travail, émaillant son intervention de témoignages concrets et poignants. Voir la vidéo de l’intervention de Nathalie Vallet-Renart

– François Michaud-Nérard, directeur général des Services funéraires de la ville de Paris, tout en insistant sur la qualité de moment charnière des funérailles, a soulevé un constat majeur : il n’y a plus le deuil mais des deuils, très différents entre eux. Face à cette nouvelle situation, le professionnel de pompes funèbres ne peut plus être l’ordonnateur des convenances car il doit devenir l’accompagnateur des singularités. Son intervention poursuit trois buts : assigner une place physique et symbolique au défunt, rétablir l’ordre troublé par le décès et assurer finalement l’amorçage efficace du travail du deuil. Voir la vidéo de l’intervention de François Michaud-Nérard

– Damien Le Guay, philosophe, a clôturé les travaux par un travail de synthèse très fourni mais qui peut lui-même être synthétisé par l’évidence qu’il existe à ce jour un déficit sur le plan collectif : «il n’existe pas d’observatoire des endeuillés. Les endeuillés en France constituent un continent invisible. Une prise de conscience est nécessaire, nous devons changer notre regard sur le deuil. Il dure et c’est normal. Dans la sphère des contacts sociaux, il ne faut pas renvoyer les endeuillés à leur propre sensibilité en se déchargeant de nos responsabilités à leur égard. N’oublions pas qu’en dix ans, les français ont doublé leur consommation d’antidépresseurs. La solution, pour ce qui concerne le deuil, c’est tout d’abord d’accepter l’anarchie de la vie et de réagir en partenariat actif, à imaginer entre aidants, pour sortir l’endeuillé du piège de l’isolement dans la douleur»…Voir la vidéo de l’intervention de Damien Le Guay

 

La réflexion est ainsi lancée, dans un principe de transdisciplinarité. Ces Assises du Funéraire ont posé la première pierre d’une prise de conscience, qui, espérons-le, va aider à faire progresser l’accompagnement des endeuillés.